Une page d’histoire …

 Une  page d’histoire pour démystifier tous les bonimenteurs de la laïcité adjectivée ! …

 Nombreux sommes nous chaque jour qui passe, à constater, déplorer de plus en plus impuissants le sort calamiteux qui est réservé par nos élus, nos dirigeants, le Conseil d’Etat,  à la loi de séparation des églises et de l’Etat depuis sa promulgation[1].

Les autorités de la République font excès de zélé auprès des cultes  au nom de la laïcité positive, pacifiée, de reconnaissance, de gratitude[2] dans une surenchère sans fin (financement des cultes participation à des manifestations cultuelles, invitations à des cérémonies républicaines etc…) qui a abouti  , sur fond de « crise sociale »[3], à ce climat délétère [4] proche de la guerre civile  religieuse larvée dans notre pays.

Oubliant les leçons de l’histoire qui ont conduit à l’adoption de la Loi du 9 décembre 1905 ils ont cru bon de s’affranchir des principes  très précis de son article 2 : « L’Etat ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte ». Cet article instituait l’indifférence entre l’Etat et les cultes condition essentielle de la liberté absolue de conscience et du libre exercice du culte !

 

 Lors d’une de mes pérégrinations sur le site GALLICA[5] je suis tombé, par hasard, sur un ouvrage intitulé : « Quinze années de Séparation-Etude sociale sur la loi du 9 décembre 1905 ». Cet ouvrage a été écrit par Paul Bureau, catholique,  sociologue enseignant à l’institut catholique de Paris[6] et publié en 1921. Comme son titre l’indique il était chargé de tirer le bilan et les enseignements de 15 années d’application de la loi de séparation[7].

Dans son avant propos Paul Bureau dénonçant les polémiques, les mensonges et les prophéties apocalyptiques,  les campagnes d’intoxication menées par ses opposants concernant les débats et le vote de cette loi  écrit : « Comme il fallait s’y attendre, les politiciens, soucieux de désordre et d’agitation, se gardèrent d’avertir l’opinion de la mésaventure que l’expérience infligeait à leurs prédictions, et presque personne ne fut informé que cette loi de 1905,chargée des pires accusations d’hostilité et d’oppression, donnait en réalité , à l’église de France des garanties d’indépendance et d’orthodoxie telles qu’aucune jurisprudence ne lui en avait donnée de pareilles depuis six siècles »[8] .

 Dans son chapitre intitulé  « Les idées directrices » [9]  il rappelle que dans le contexte d’une République qui avait 35 ans et qui s’était donnée pour mission primordiale : « de fonder exclusivement la morale individuelle et la morale sociale, et par conséquent la vie sociale tout entière, sur les seules données de la raison », le climat n’était pas particulièrement  favorable à la reconnaissance des cultes. Et de poursuivre « ce gouvernement ne pouvait se montrer que fort peu sympathique  ou même hostile aux efforts des différents groupements religieux qui ont assumé la mission de rappeler aux individus les liens mystérieux et transcendants qui les unissent à un Etre infini digne d’être adoré, prié et aimé. »[10] . Et d’enfoncer le clou sur ce  qui devrait être une évidence bien oubliée aujourd’hui : « Aussi la liberté promise par la loi de 1905 aux différents cultes est-elle loin d’être une liberté dans la sympathie et la bienveillance; c’est strictement une liberté dans l’indifférence et la neutralité »[11].  Ce qui met en lumière le sens qu’il faut donner à l’article 2 de la loi : «  La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ».

 

En conséquence la République professe qu’elle est un Etat laïque et « par cet adjectif, elle entend qu’elle demeure étrangère et indifférente, non pas seulement à la valeur ou doctrinale de l’enseignement donné par les différentes religions, mais même à la valeur morale et sociale de cet enseignement »[12]. Et d’insister : « Quoique depuis trente cinq années, les partis de nuance diverses qui ont gouverné la République, soient convaincus de la nocivité sociale et morale des différentes religions, cependant la République promet de rester neutre en face des religions»[13] .

Il précise : «  chaque citoyen, sans recevoir aucune impulsion, ni  aucun encouragement, recherchera, sous sa propre responsabilité, s’il lui convient d’adhérer à une confession religieuse, et de même chaque culte ne devra compter que sur ses seules ressources pour assurer sa propagande et le recrutement de ses fidèles et de ses ministres. »[14] . Et de conclure : «  La République est un Etat laïque et ne peut promettre aux divers cultes que l’indifférence et la neutralité ».[15]

 

Paul Bureau comparant la situation de la laïcité américaine et française ,qui à la différence de la notre acceptait une bienveillance à l’égard des cultes pour  leur apport  social à la société ,  rappelle :  « Aussi, lorsque la loi de 1905 vint en discussion, les principaux chefs des groupements politiques qui la soutenait s’efforcèrent ils de faire consacrer par la loi le principe que les pouvoirs publics devraient désormais demeurer étrangers à tout contact avec les différents cultes, n’ayant ni à les combattre, ni moins encore à les soutenir, ni même à les connaître ou à les reconnaître »[16].

 

C’est clair net et précis. Nos politiciens, les conseillers d’Etat devraient s’en inspirer. C’est le principe de l’indifférence qui doit régir les rapports entre l’Etat et les cultes ! Cette indifférence constituant la  digue indispensable qui doit protéger la société civile de l’emprise des religions sur la société civile française et à l’inverse garantir le libre exercice du culte.

 

Les pseudo sociologues de la laïcité ,avec à leur tête Jean Bauberot[17]  et l’école  Pratiques des hautes études,  se sont efforcés au cours des années d’effacer cette vérité et d’imposer une pratique de la laïcité dite ouverte , tolérante qui visait à la vider  de son contenu. Alors que la société française est de moins en moins pratiquante le religieux n’a jamais été aussi présent dans notre société. Cette version a trouvé un large écho auprès de nos élus, mais aussi de nombreuses associations [18], qui y ont vu un moyen efficace, entre autres, de gagner des électeurs. Ils ne se sont jamais préoccupés de l’impact sur notre société. C’est au nom de cette laïcité, coquille vide,  qu’ils ont accepté les accommodements que certains qualifient de raisonnables alors qu’ils segmentent encore plus notre société en communautés religieuses ! N’a t on pas vu un haut magistrat du Conseil d’Etat suggérer la « notion d’inclusion »  au lieu d’intégration républicaine ? [19].

Devant la soumission de nos dirigeants à l’égard des  cultes, nous assistons à une course folle, un emballement, une compétition de plus en plus prégnante des religions entre elles, ce qui n’exclut pas des alliances de circonstances, contre les droits des femmes, mais aussi  contre le socle même de nos valeurs démocratiques fondamentales avec à la fin du match le risque de chaos pour notre société…

 

La laïcité adjectivée  a permis toutes les dérives, instrumentalisations qui ont fait de cet outil de concorde, de liberté et de progrès un synonyme de contrainte, de domination et d’entrave .Certains vont jusqu’à affirmer sans honte qu’elle est  devenue une « nouvelle religion d’Etat » !

 

L’histoire du combat laïque doit nous servir de levier pour nous opposer et démasquer plus que jamais  tous ces colporteurs de sornettes manipulant nos concitoyens. Cette période est rude, raison de plus pour  garder le cap et faire  plus que jamais nôtre,  la devise d’Ernest Lavisse : «  être  laïque c’est dénier aux religions qui passent le droit de gouverner l’humanité qui dure ! »…

 

Jean PETRILLI

 

 

 

 

 

[1] Lire l’article co-écrit avec F. Braize sur cette question http://www.slate.fr/tribune/80101/laicite-loi-1905-peau-de-chagrin

[2] Cardinal Barbarin en remerciement de la générosité du maire de Lyon https://www.lyoncapitale.fr/Journal/Lyon/Actualite/Actualites/Religion/L-honneur-des-hussards-noirs-de-la-Republique

[3] Nous pouvons nous interroger sur cette légende de la crise « sociale »  véhiculée depuis 1973- guerre des prix du pétrole…

[4] Face aux attentats que nous avons subis de la part des islamistes nos gouvernants n’ont toujours pas pris la pleine nécessité de remettre la laïcité, sans adjectif, au cœur de leur action.

[5] La bibliothèque Nationale de France a mis à disposition, il y a quelques années, une application gratuite dénommée GALLICA. Elle présente l’avantage immense de pouvoir disposer, chez soi, d’un fonds bibliothécaire d’une richesse infinie. Je vous invite à la ballade, vous en ressortirez étourdi, ébloui par tant d’ouvrages qui sont mis à disposition en ligne  gratuitement.

 

[6] Pour en savoir plus sur Paul Bureau https://assr.revues.org/10583 Les Études sociales., Les Études Sociales, Paul Bureau (1865-1923) et la science sociale

Paris, Société d’économie et de sciences sociales, Les Études sociales 141, 2005, 181 p.

Mustapha Naïmi

[7] Il faut ajouter également la loi du 2 janvier « concernant l’exercice public du cultes » qui visait les biens de l’église catholique dès lors qu’elle avait refusé d’adhérer à la loi du 9 décembre 1905 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070171

       [8] page VI

[9] Page 4

[10] page 13

[11] Ibid

[12] Page 13

[13] Ibid

[14] Page 14

[15] Ibid

[16]Page 18

[17] N’a t il pas écrit un ouvrage intitulé « L’intégrisme républicain contre la laïcité (2006) ?

[18] Au nom de la liberté religieuse nous assistons à des alliances hallucinantes de la LDH,FNLP… au CCIF et certains partis politiques dits de gauche  pour s’opposer aux lois sur les signes religieux ostensibles à l’école et sur l’interdiction de la dissimulation du visage en public…

[19] Rapport officiel, intitulé “La grande nation : pour une société inclusive”. Commandé en août 2012 par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, il vise à “analyser l’état de la politique d’intégration, son organisation, ses moyens, ses acteurs”. Remis le 8 février, son auteur est le conseiller d’État Thierry Tuot.

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